Oiseautistique

Par Tsu
Je suis autiste.
Je suis oiseau.
La société essaye de dire que ce sont deux choses différentes. Souvent je me dit qu’elles ne font qu’un. Où commence et se termine la séparation entre les battements de bras autistes et ceux aviens? Entre les piaillements de joie d’oiseau et le babillage autistique?
Je n’en sais rien. Je n’ai pas envie de les différencier. Je suis oiseau et autiste. Je ne peux pas distinguer ces choses l’une de l’autre.
L’oiseau est mouvement. Je l’ai déjà dit dans de précédents textes sur ce qu’est “oiseau”. C’est le mouvement, le rythme, le vent dans les ailes, ce qui te balaie en te tirant plus avant dans le ciel, répétitif, un-deux, un-deux. vers le haut. vers le bas. La vitesse variable, quand le vent autour de soi change. Je n’ai pas le vent, je n’ai pas d’ailes, alors j’utilise la musique, je me balance sur ma chaise, j’utilise les mouvements de la voiture, j’utilise un mot ou une chanson en boucle dans ma tête. Parfois j’utilise tout cela en même temps, me balançant tandis que la voiture roule comme la musique résonne et mon coeur se gonfle entre mes côtes et que mes lèvres bougent au rythme de la chanson, et je la chante encore encore encore dans ma tête, un-deux, un-deux, là plus vite là plus lentement là descendant là montant, haut haut haut haut b a s.
Je ne peux pas voler, alors ceci est mon envol.
Le mouvement et le rythme, ces choses sont apaisantes, familières. On berce un enfant et la personne autiste se balance et bat des mains et l’oiseau s’élance dans le vent, tous ces mouvements similaires, ces rythmes similaires. C’est apaisant, familier, pour un oiseau de voler: je n’en doute pas. C’est apaisant de courir, de sentir la terre ferme sous ses pieds, tap tap, un, deux, ou d’écouter la course d’un cheval, les sabots sur la route, undeux, troisquatre, undeux, troisquatre. Si c’est apaisant à nos oreilles, si cheval ou un chien laissés seuls à eux-mêmes courront de joie par principe, alors je pense que voler doit être réconfortant pour les oiseaux. Cela doit être la joie de se sentir chez soi, un mouvement familier, un coup d’aile vers le haut, vers le bas.
(On critique les personnes autistes qui se balancent ou de battent des bras. De vouloir ce mouvement familier. De vouloir voler. De chercher à sentir le rythme. De comprendre la joie dans le rythme, peut être plus que la plupart des humains, qui ne l’aiment que dans des situations très particulières. La musique. La danse. La poésie. Ecouter le reflux de l’océan sur la plage. Imagine si à chaque fois que tu bougeais, tu bougeais en une dance et ressentais le plaisir de la cadence. C’est la vie d’un animal, d’une personne autiste. Comme les animaux, nous dansons tout le temps, nous courrons, nous volons.
Et parfois, nous courrons, nous volons, parce que nous sommes des animaux. Parce que le besoin de courir et celui de voler et celui de danser est en nous, l’appel de nos ancêtres qui ne sont pas nos ancêtres qui sont nos ancêtres plus que la science ne peut le démontrer.)
Les humains ne font du bruit que lorsqu’on l’attend d’eux. N’est-ce pas étrange? Quand un humain fait un bruit soudain, c’est traité comme de la maladie mentale. A moins que ça soit une chanson ou un fredonnement, et encore, ce n’est autorisé que dans certains endroits. Tu ne peux pas chanter si tu fais la queue à la banque. Mais les oiseaux chantent constamment. Les oiseaux chantent pour trouver un compagnon, ils chantent pour dire “il y a à manger ici”, ils chantent pour dire “je suis là”. Et parfois, on dirait qu’ils chantent juste parce qu’ils en ont envie. Ils chantent parce que chanter fait du bien, comme un chien aboie lorsqu’il s’ennuie, comme un chat se promène dans la maison en miaulant parce qu’il a mangé de l’herbe à chat et qu’il a envie de faire du bruit. Il n’y a pas toujours de raison. C’est bien de faire du bruit. Les oiseaux le savent. Les personnes autistes le savent. On peut faire du bruit.
Je produis du son pour le plaisir. Je cours parce que le rythme me réconforte. J’imagine le vent sous moi, me poussant plus avant. J’imagine mes ailes battre lourdement tandis que j’agite les bras.
Je suis autiste.
Je suis oiseau.
Ces choses ne sont pas très éloignées l’une de l’autre.