La thérianthropie [I – L'identité animale]

Par Akhila
Cet essai a pour but d’introduire le concept de thérianthropie et la communauté qui s’est construite autour. Je tiens à préciser qu’il y a une très grande diversités d’opinions et théories sur la nature de la thérianthropie et que je parle donc uniquement d’après mes observations et mon expérience personnelle de la communauté thérianthrope anglophone depuis 2001, les nombreuses discussions et débats dont j’ai pu être témoin jusqu’à nos jours, ainsi que tous les sites et textes antérieurs qu’il m’ait été donné de lire.
La plupart des définitions de ce qu’est la thérianthropie s’attachent à l’expliquer d’une manière au détriment d’une autre, mettant souvent en avant leur propre vérité sur la question; à l’inverse, ici je me suis attaché ici à rester le plus distant, clair et exhaustif possible quant au phénomène et son contexte.
Le terme “thérianthropie” est antérieur à la sous-culture thérianthrope et désigne généralement en anthropologie et mythologie les qualités hybrides des créatures mi-hommes mi-bêtes dans le folklore. Plus généralement la thérianthropie peut désigner le processus de transformation d’un être humain en animal. Le mot en lui-même est issu du grec therion, bête ou animal sauvage, et anthropos, qui désigne l’homme en tant qu’être humain. Au début des années 90, le terme fut récupéré par un groupe de personnes s’identifiant d’une manière ou l’autre à un animal afin de se décrire eux-mêmes; c’est ce qui nous intéresse sur ce site.
L’identité animale.
Bien qu’on puisse trouver dans l’Histoire des cas de sociétés où les personnes sont identifiées à des animaux d’une façon ou l’autre, la sous-culture dont il est question est très récente et a vu son apparition facilitée par Internet, par le biais des groupes de discussion Usenet, lorsqu’une branche de alt.horror dédiée aux loup-garous dans la fiction fit son apparition en 1992: alt.horror.werewolves, souvent résumée à “AHWw”, était née. Petit à petit, de plus en plus d’individus intéressés par les métamorphes de manière générale commencèrent à affluer, et les discussions se détournèrent des livres et des films jusqu’à s’intéresser à ce que les change-formes représentaient personnellement pour toutes ces personnes et comment ils intégraient cela à leur façon de vivre.
C’est là qu’émergea le concept de thérianthropie “spirituelle”. Au départ, la plupart des personnes utilisaient pour se désigner les terme “lycanthrope” et werewolf (loup-garou), qui devinrent “thérianthrope” et were (garou) afin de perdre leur caractère lupin spécifique. L’expression “personnes animales” est aussi employée par les thérianthropes pour se désigner, et peut parfois aussi recouvrir d’autres catégories d’identifications à un animal de manière plus large (certaines personnes animales, donc, peuvent ne pas correspondre au sens strict de “thérianthrope”). Il est de toute notoriété que “si l’on demande à dix weres de définir la thérianthropie, on obtient onze réponses” – en voici donc une qui met d’accord la plupart des thérians de nos jours.

La thérianthropie se définie par un état, une perception et un ressenti du monde, constants (c’est à dire non temporaires), qui mènent une personne à se considérer et s’identifier profondément en tant qu’animal (autre qu’homo sapiens), en dépit de sa biologie et éducation humaines.
(Akhila)

Un thérianthrope est donc une “personne-animale” et se vit ainsi. C’est le caractère identitaire et sensoriel de son état qui définit le thérianthrope, c’est à dire une expérience et non une croyance; mais il peut par la suite l’expliquer de manières très variables – les théories et suppositions les plus courantes étant de l’ordre scientifique (psychologiques, neurobiologiques) ou spirituelles (réincarnation notamment). On peut noter que certains thérianthropes s’identifient à des animaux aujourd’hui éteints, qu’ils soient adeptes de l’une ou l’autre de ces théories.
Il existe plusieurs addenda explicites ou implicites concernant l’expression de la thérianthropie: tout d’abord, de part l’identification animale profonde qui n’est ni volontaire ni temporaire, on ne “devient” pas thérianthrope par quelque démarche que ce soit. Il est de notoriété que soit on l’est, soit on ne l’est pas, et s’il est possible que cet aspect puisse être réprimé comme une autre facette de sa personnalité, il n’est pas possible de s’en débarrasser (tout comme on ne change pas d’orientation sexuelle sur demande).
En second lieu, le thérianthrope est souvent (mais pas systématiquement) sujet à des expériences sensorielles semblables à celles des membres fantômes de personnes amputées: l’individu peut ressentir des oreilles ou une gueule animale, des coussinets dans ses mains, de la fourrure sous ses vêtements; il peut aussi avoir la sensation que son corps n’a pas la bonne apparence, que ses jambes devraient être digitigrades et non plantigrades pour ceux qui s’identifient à des créatures de cet ordre, et ainsi de suite. Etant un être humain normalement constitué, le thérianthrope ne dispose pas de sens surdéveloppés, mais peut ressentir le monde qui l’entoure différemment et un certain nombre de thérians décrivent une intensité particulière dans ce qu’ils perçoivent par leurs sens.
Troisièmement, certaines personnes animales font aussi l’expérience de variations dans l’intensité avec laquelle ils vivent leur animalité ou ressentent leurs pulsions animales – on appelle cela une shift (changement ou transformation). Il s’agit en réalité moins d’une réelle “métamorphose” mentale que d’un moment à durée variable où le ressenti animal du thérianthrope sera plus exacerbé qu’à l’ordinaire (il dira généralement qu’il se sent “plus animal”). Cependant de nombreux thérians font l’expérience de leur animalité sans altération dans son intensité et sont étrangers au concept de shift. Je développerai la terminologie relative à la thérianthropie et aux shifts dans un essai à part.
Enfin, il est possible de s’identifier profondément à plus d’un animal à la fois (par exemple la chouette et le léopard, la loutre et le renard, …) qui peuvent alors être vécus comme des facettes plus ou moins distinctes les unes des autres ou à l’inverse s’exprimer en un tout hybride cohérent – un mélange des divers composants animaux et éventuellement de sa nature humaine. Cependant plus une personne présente de facettes animales différentes, moins elle a tendance à être prise au sérieux; et plus les autres thérians attendent d’elle qu’elle fasse ses preuves pour montrer qu’elle n’est pas dans l’erreur ou le déni.
En effet, l’usurpation de l’identité animale par des individus mal intentionnés à l’humour douteux ou par des personnes instables qui auraient perdu pieds avec la réalité est une crainte récurrente chez les thérianthropes, et la véracité ou légitimé du discours de chacun peut être remis en cause s’il semble manquer de cohérence ou d’honnêteté vis à vis des autres et de lui-même. Le degré de tolérance que les thérianthropes expriment envers leurs pairs varie grandement selon les époques et les groupes de discussions spécifiques, qui ont parfois chacun leurs propres critères pour définir une personne animale “sérieuse” et réelle.
Bien entendu ces critères ne se basent que sur des observations et des suppositions, même si ils peuvent faire preuve de pertinence. La plupart des personnes animales reconnaissent malgré tout que l’on ne peut pas savoir et affirmer à la place de la personne concernée ce qu’elle est réellement, c’est à dire si elle est thérianthrope ou pas, ainsi que la nature exacte de son animalité.