Cerf Coyote

Par Liesk
Gardez à l’esprit que ceci est un témoignage que j’écris provisoirement en attendant de pouvoir l’ordonner de manière complète et cohérente.
Je crois que la thérianthropie, dans sa forme la plus basique, est une question d’identification à un animal au point où l’on sent que l’on est soi-même l’animal. De la même manière que la plupart des gens s’identifient en tant “qu’humain”, un thérianthrope s’identifiera en tant “qu’animal” ou “animal-humain”. Cette question de “est” ou “n’est pas” est orientée par les comportements, les modes de pensée, les traits de caractères et réponses émotionnelles tout à la fois. Cependant, avant que l’on puisse substantiellement affirmer que nous possédons cette identité, il semble que nous devions nous considérer nous-mêmes dans notre ensemble pour discerner si une telle chose est véritable et durable, ou simplement une idée loufoque.
J’ai essayé plusieurs méthodes sans succès par le passé. Je les aient rejetées l’une après l’autre, et j’ai réarrangé mes idées pour qu’elles s’adaptent à une compréhension de moi-même et du monde qui m’entoure grandissante.
La question de l’espèce a toujours été importante dans ma vie. Humain, pas humain, canin, cervin, quelque chose d’autre? Tout m’est passé par la tête. Combien de ce qui importe faut-il prendre en compte?
Etre canin était vraiment, terriblement évident. (Je n’aime pas ça.) Pourtant j’ai commis une erreur en m’aveuglant de l’illusion que si j’étais canin, je devais être un loup.
Et ensuite je me suis dit, peut être pas.
Mais j’y viendrai plus tard.
Je pense que ma thérianthropie est de nature psychologique. Je ne crois pas nécessairement aux âmes, et donc je ne base pas ma thérianthropie sur le fait de posséder l’âme d’un animal. Mon expérience thérianthrope est une combinaison de dispositions psychologiques et d’identité animales. Je suis mon cerveau, et mon cerveau fonctionne psychologiquement en tant qu’animal-humain.
Le fait que je sois canin s’exprime de manière complexe au travers de divers comportements et modes de pensée. Il y a moi, qui s’avère être un genre de canidé, et qui fait quelque chose qu’un membre de la famille des chiens ferait. C’est peut être stéréotypé d’insinuer que je puisse avoir une compréhension innée du monde canin, mais il y a quelque chose qui colle entre mes expressions comportementales et celles de la famille des canidés.
Il faut cependant prendre en compte que certaines de ces expressions ne sont partagées qu’entre quelques espèces seulement, plutôt que par l’ensemble de la famille canidae.
Par exemple, le comportement d’un loup ne correspond pas au mien. C’est l’un des nombreux facteurs de doute qui m’ont poussé à décider que le loup n’était peut être pas mon espèce après tout. A la place, les coyotes (mais pas certaines sous-espèces qui se sont adaptés à la niche écologique du loup) partagent mes comportements sociaux.
Les meutes structurées de manière formelle semblent être un concept romantique, mais pas le mien. Oui, il y a des personnes auxquelles je suis lié. Non, cela ne s’exprime pas par un pacte strict avec eux. Je constitue des groupes qui sont modifiables et propices aux réaménagements.
Mon expression corporelle, en particulier quand elle peut s’épanouir librement, tend à se différencier de la même manière qu’un canidé le ferait. Il y a une certaine marge de difficulté entre exprimer ce que je souhaite et me faire comprendre de l’autre, mais elle est amoindrie lorsque je suis entouré de personnes qui sont familières de Canis lupus familiaris. On peut remarquer que la ligne entre le fait que ce soit conscient ou subconscient est floue, mais la communication reste de la communication. Ces traits d’expression corporelle ont toujours été présents, d’aussi loin que je me souvienne avant même que je ne sois exposé plus largement aux chiens, et je n’ai remarqué leur similitude qu’après avoir eu un chien en tant qu’animal de compagnie seulement. Ma mémoire n’est pas infaillible bien sûr, mais je suis sûr du degré d’exposition.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a eu aucune influence, et rétrospectivement il semblerait que mes fonctions psychologiques ont été influencées par les loups et, à ma grande surprise lorsque je m’en suis rendu compte, les coyotes.
Le Loup est un animal-totem pour moi, important de surcroit – si ce n’est le plus important de tous. Consciemment, le Loup était l’incarnation d’un mentor. Inconsciemment, il a eu des répercutions sur l’ensemble de mon cheminement et évoluait même avant mon existence. C’est sans surprise donc que j’ai pu confondre ma propre identité avec une autre qui a eu tant d’influence sur ma vie.
Le loup est similaire au coyote en termes d’évolution. Le loup a défini le parcours d’évolution du cerf peut être plus que toute autre influence ne l’a fait. Le loup s’associait aux humains pour créer une relation qui a vu défiler les ères sous sa forme sociale.
Tout cela pour dire, je pense être un coyote, un cerf, et un humain.
Avant de me lancer sur le fait d’être un cerf, je vais développer ma conclusion sur le fait d’être un coyote et pas un autre canidé.
Coyote est une petite énigme – je connaissais les coyotes avant les loups; j’entendais leurs hurlements avant même d’avoir conscience de la notion du temps. Cela remonte à ma première année de vie et m’a influencé à partir de là. Et pourtant, ils se sont définis comme quelque chose à ignorer, pendant que j’ai concentré mon attention sur leur noble frère le loup. Je ne sais pas trop pourquoi, si ce n’est que les loups me tenaient fermement dans leurs griffes totémiques.
Mais les coyotes révèlent ce qui a toujours été faux avec les loups. De la forme plus menue aux distinctions comportementales, il y a plus de coyote en moi que de loup ou un quelconque autre canidé.
Laissons nous aller à la cladothérianthropie un instant. Brouillons les barrières entre espèces, d’accord? Les espèces évoluent. “Espèce” est une abstraction. Les coyotes en général et les canidés sont particulièrement proches en tant qu’espèces. Mais je me sens être canidé, et je vois que cela peut être résumé à être “coyote”, alors que je ne peux pas le résumer à “loup” ou n’importe quelle autre espèce canine.
J’ai une inquiétude, et c’est le fait d’être jeune. J’ai toujours cette question à l’esprit, “que se passera-t-il si je ne ressens pas la même chose dans plusieurs années?”. Je pense que tous les jeunes thérians – tous les thérians en fait, mais les jeunes en particulier – devraient se poser la question. C’est l’une des plus importantes, même si on l’ignore souvent.
Je crois dur comme fer qu’il est possible que l’on s’identifie à un animal depuis un jeune âge et de toujours se sentir ainsi en grandissant. Cependant, ça ne veut pas dire qu’on doit ignorer cette question.
Honnêtement, c’est mon plus gros soucis concernant l’annonce du fait d’être un coyote.
Est-ce sauter un si grand pas, en allant de “canidé – loup” à “coyote”? Je suppose que ça l’est dans ma tête, ayant assimilé canidé et loup entre eux, pour que les divorcer se montre être une tâche aussi ardue. C’est pour cela que je suis si hésitant à embrasser la spécificité à nouveau alors que je m’étais réfugié à l’abri de la généralité du terme “canin”, et cela suggère que je n’ai pas encore fini d’entériner la question. Suis-je encore en train de confirmer la chose? C’en est une, de question.
Je pense que cela serait en ma faveur de dire que j’accepte qu’il est possible que je me rende compte d’ici quelques années que j’étais dans l’erreur. Ce n’est pas ce que je crois – si je croyais être dans l’erreur, je ne serai pas en train d’annoncer cette conclusion – mais si je pense l’être un jour, je l’accepterai en tant que leçon.
Peut être que ces affirmations timides peuvent être pondérées par le reste de ma personne. Si je crois que je me sentirai encore être coyote dans le futur, alors je suis proche de la certitude concernant le fait que je me sentirai toujours être un cerf des marais.
Alors que le coyote est général, et floutté par d’autres canidés, le cerf des marais est spécifique. Je pense que l’on peut résumer cela à une question d’évolution: il y a une séparation bien plus claire entre Blastocerus dichotimus, tout seul dans son propre genre [Blastocerus], et les autres cerfs, qu’il n’y a de distinctions entre Canis latrans et un paquet d’autres canidés. A cause de cela, je suis plus capable de déterminer les spécificités d’être du cerf des marais que les spécificités propres à être coyote.
Ca ne veut pas dire que je n’ai eu aucune difficulté à réduire la liste des possibilités à une seule espèce de cerf. Mais ce que je peux dire c’est qu’une fois que j’ai remarqué la similarité frappante entre le cerf des marais et moi, c’était un point de non-retour. J’aime tous les cervidés, en général, mais avec la plupart il y a un je-ne-sais-quoi qui ne va pas, des fragments erronés et un sentiment global de légère étrangeté. Lorsqu’il s’agit du cerf des marais, tous les fragments correspondent, et il devient entièrement familier.
Les faons ne devraient pas avoir de tâches, je le sens, et les bois ne devraient pas muer tous à la fois. Les ergots devraient toucher le sol. Il devrait y avoir une légère palmure entre les sabots – je pense que ça n’a aucun lien, mais j’ai eu une fascination particulière pour les doigts palmés quand j’étais plus jeune – et les sabots eux-mêmes devraient être plus larges que chez la plupart des espèces. La démarche devrait être bondissante pour permettre la fuite. Il y a plusieurs trucs que le cerf des marais possède qui me semblent “justes”, alors que les autres cerfs l’ont tout de travers.
Etre cervin par nature peut ou peut ne pas influencer certains comportements, bien que dans ce cas ils puissent paraître négatifs. Les stratégies d’évitement social et la paranoïa, pour ne citer qu’eux, mais il ne s’agit pas de problèmes provoqués par la thérianthropie car elle ne m’en a causé aucun. Je me demande simplement si ma psychologie non-humaine pourrait être à l’origine des schémas mentaux qui mènent à ces choses.
En lien avec ma conception psychologique de la thérianthropie, le cerf en moi présente un peu une énigme. D’où vient le cerf? Enfilons nos rétromirettes un instant. Je dirais qu’il y a toujours eu quelque chose qui s’agitait dans mon subconscient à chaque fois que je considérais les cervidés, mais ce n’était pas une présence quotidienne suffisante pour que je puisse réellement réfléchir à ma relation à eux. Je dirais que c’est quelque chose qui a été là depuis aussi longtemps que je me suis senti canin, mais que la sensation n’a été mise en évidence que récemment.
Dans quelle mesure, pourrait-on se demander, le coyote, le cerf et l’humain intéragissent-ils entre eux? A tous les niveaux, car il n’y a aucune distinction fondamentale en moi entre les trois. Ma mentalité est une seule psyché fonctionnelle où les trois ne font qu’un, je m’identifie en tant que coyotecerfhumain, et je m’identifie aux humains, aux coyotes et aux cerfs.
Une chose que les gens sont prompts à signaler est la relation proie-prédateur, et maintenant j’y accorde plus de réflexion que je ne le faisait. En guise d’explication, je suis juste moi; je ne me chasse pas moi-même juste parce que je m’identifie à un animal prédateur et à un animal proie.
Je dirais cependant que ma situation est légèrement différente de quelqu’un dont l’animal est prédateur dans un cas et proie dans un autre. Etant donné que je me conçois comme à la fois coyote et cerf, je peux m’identifier avec les animaux qui sont “purement prédateurs” et ceux qui sont “proie seulement”. Cela ne provoque pas de conflit, juste une incertitude concernant le camp que je dois rallier!
La distinction prédateur-proie est une dimension moindre comparé à l’expression comportementale et sociale du tout, je pense. Chacune de mes espèces est exprimée en moi; je dirais presque complémentaires, mais il est plus probables qu’elles sont l’une l’autre – parce que, je pense que c’est le cas. Je ne suis pas une vraie dichotomie. J’en ai juste l’air.