Par Katmandu
Il y a dix ans, si vous cherchiez dans votre bibliothèque – ou aviez la chance de pouvoir accéder au réseau de recherche Gopher – au sujet des mots “loup-garou” ou “lycanthropie”, vous auriez trouvé d’innombrables références sur la lycanthropie clinique, des résumés de psychologie, ou des analyses de mythes et légendes. Si vous étiez chanceux, vous trouviez une ou deux références aux esprits-animaux ou au totémisme. Vous n’auriez trouvé nulle part des instructions détailées sur comment devenir un loup-garou, ou des termes comme “physical shift”, “mental shift”, “aura shift”, “thérianthropie”, ni aucun de la multitude d’autres mots existants.
Dix ans plus tard, si vous aviez une recherche à faire sur le web, vous auriez du mal à extirper les analyses cliniques des légions de sites à la gloire de la science des loup-garous. Maintenant vous avez dix sites différents vous expliquant comment savoir si vous êtes un loup-garou ou non, et offrant des forums de discussion, ou des conseils pour faire face au rejet de ses amis. Maintenant l’information – bonne, mauvaise, exacte, imparfaite, ou carrément dangereuse – est accessible dans une douzaine de formats différents aux éclatantes couleurs. Maintenant n’importe qui peut s’informer sur ce que beaucoup avaient à formuler intérieurement.
Ceci, comme la plupart des choses de la vie, est à la fois bon et mauvais. Bon, car maintenant vous pouvez tirer profit des expériences, conseils et connaissances de centaines de gens différents. Mauvais, parce que certains de ces conseils sont médiocres. Mauvais aussi parce que cela court-circuite un processus de découverte naturel, et rend possible les Insta-Weres.
Les Insta-Weres sont des gens qui “flashent” sur le concept de thérianthropie parce qu’il les attire (dans le sens “whoah-la-vache-c’est-trop-cool”) ou parce que cela comble un quelconque besoin superficiel: être accepté parmi un groupe de pairs, ou bien un moyen pour donner une impression de supériorité physique, ou encore justifier un problème de canalisation de la colère. Les individus les plus jeunes, ceux qui se trouvent au début ou à la fin de leur adolescence, peuvent trouver un tel concept attrayant, car ils sont en train d’apprendre à accepter leur corps et leur situation dans la vie, et sont appelés à formuler leurs propres idées et philosophies. Ainsi, nombre d’entre eux ne sont pas satisfaits de leur image, et peuvent se sentir mis à l’écart de leurs pairs, ou se sentir physiquement complexés ou inférieurs. Assumer la personalité d’un homme possédé par une créature sauvage leur procure une impression de puissance et de supériorité physique. L’internet fournit d’innombrables voies d’accès anonymes pour se faire accepter parmi les autres. L’idée d’une bête sauvage et indomptée prisonnière d’un corps humain devient un leurre très attractif.
(Note parallèle: Certains peuvent lire ceci et penser que je le leur destine. Vraiment? Certains vont lire ce qui est ici et penser que je suis en train de dire qu’aucun nouveau venu ici ou d’un quelconque autre forum n’est un “vrai were”. Merde, quoi, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’un “vrai were” est. Vous pouvez continuer à lire.)
Cependant, un grand nombre n’arrivent pas à considérer si une telle idée reflète précisément leur intériorité. Les humains possèdent une capacité incroyable de rationnalisation, et ils vont submerger chaque doute qui menacera cette nouvelle conception des choses. Intérieurement, ils savent peut être qu’ils ne se sentent pas vraiment comme un animal prisonnier d’une coquille humaine, ou ressentant un quelconque lien avec leurs racines lointaines, ou ayant eu des visions troublantes d’eux-mêmes comme étant quelque chose d’autre qu’homo sapiens. Extérieurement, ils vont écarter tout sentiment suggérant que cette nouvelle philosophie n’est pas la bonne pour eux; ou ils peuvent s’emballer en tentant de prouver à eux-mêmes comme aux autres qu’ils sont des weres. “Je mange beaucoup de viande rouge; je suis forcément un were.” “Mes yeux changent de couleur (sous une lampe à vapeur de sodium, hum); je dois être un were”. “Mon index droit est plus long de 0.23mm que mon index gauche; je suis sans doutes un were.” Et plus un doute les prend à la gorge, plus ils sont aiguillonnés et poussés vers des revendications encore plus incongrues.
Il *est* plus facile de prendre la philosophie personnelle brevetée de quelqu’un d’autre et l’adopter comme la sienne – pour faire court. Il est beaucoup plus difficile de jeter un oeil sur toutes les informations qui vous sont disponibles et décider de ce que vous croyez. Les gens aiment qu’on leur donne des choses toutes faites, plus spécialement quand la seule alternative est une introspection brouillon et difficile. Et c’est ce que beaucoup ont fait. Et c’est pourquoi ils endureront de nombreuses nuits d’insomnies, rongés par le doute.
Etes *vous* un were? Je n’attends aucune réponse à cela. Je n’en ai vraiment rien à faire. C’est la question que *vous* devez vous posez à *vous-même*, et à laquelle seulement *vous* pouvez répondre. Personne d’autre ne peut vous dire qui vous êtes; ils ne peuvent que vous dire ce *qu’ils* pensent que vous êtes, et il y a plus de chances qu’ils aient tort que de chances qu’ils aient raison. Cela ne veut pas dire que vous devez ignorer leurs conseils, seulement que vous devez les comparer à toutes les choses qui font de vous *vous*. Je ne peux pas vous dire qui vous êtes, ou si vous êtes ou non un were. Je ne peux pas même définir le concept pour quelqu’un d’autre, puisque mon concept de “wereisme” est basé sur mes propres expériences, sensations et dialogues intérieurs.
Ca semble complètement dingue et mystique? Pas vraiment… c’est la même chose que l’Homme a fait depuis toujours à partir du moment où il est devenu conscient de sa propre existence; la découverte de soi. Qu’est-ce qui vous fait avancer? Qu’est-ce qui vous fait faire ce que vous faites? N’acceptez pas les réponses faciles et brevetées sortant d’une page web. Posez-vous vous-même ces questions et examinez les réponses pour ce qu’elles contiennent de vérité. Une fois que vous pensez avoir prise dessus, posez les vous à nouveau et regardez alors ce qui en sort. Et continuez de vous interroger, jusqu’à votre mort.
Si, après de longues et prudentes délibérations, vous trouvez que toutes ces vagues et nébuleuses définitions personnelles de “wereisme” que les autres ont exposé sont similaires à vos propres réponses, alors félicitations. Vous avez fait un grand pas en avant pour décider de qui vous êtes selon vous, au lieu de laisser la culture populaire le faire pour vous. Maintenant posez vous les questions à nouveau. Et encore. Safari a posté un long monologue sur ses propres découvertes et ses croyances en mouvance; que chacun aie la force morale que nécessite un regard aussi dur et long sur eux-mêmes. Vous n’aimerez probablement pas tout ce que vous trouverez – je serai surpris si quelqu’un pouvait examiner son âme et ne pas trouver à leur sujet des choses qu’ils n’aiment pas. Mais ils en savent plus sur eux-mêmes qu’auparavant, et sont allés de l’avant pour devenir une personne saine bien plus loin que beaucoup ne le feront jamais.
Pour moi, mon “wereisme” est une simple affirmation de ce que je ressent et de ce que suis. Cela n’a rien avoir avec ce que cela peut m’apporter; il est question de ma quête de compréhension de moi-même. Cela ne me fait pas sauter plus haut, courir plus vite, ou réussir avec les filles. Cela donne en revanche plus de consistance à ma philosophie, ma conception des choses, mon être; c’est une part de moi, mais cela ne constitue pas tout ce que je suis.
C’est pourquoi je vous le demande à nouveau: êtes vous un were?
Prenez votre temps pour répondre. Cela peut prendre longtemps, et même ne jamais recevoir de réponse. Mais le cheminement est le but, ici.